Formes d’auto-sabotage, oppressions venues de l’extérieur, nombreuses peuvent être les formes de limitations qui entravent notre liberté et notre bien-être. Ces mêmes oppressions viennent aussi impacter nos droits fondamentaux et affecter potentiellement nos besoins profonds.

Droits et besoins sont intrinsèquement reliés

J’ai étudié les droits humains et les sciences politiques avec l’espoir d’activer des leviers favorisant le changement et les transformations. Mon focus était alors l’exercice des droits. Je me suis d’ailleurs spécialisée dans le droit international humanitaire – autrement appelé droit de la guerre – où l’objectif visé est de réduire l’impact négatif des conflits armés sur les populations. Lors de missions humanitaires, j’ai vu combien certains droits fondamentaux étaient bafoués par ces contextes de conflits et de guerres. J’ai alors œuvré pour la “protection“ d’enfants et d’adolescents en situation de vulnérabilité.

Ayant réalisé un stage au sein du Comité des droits de l’enfant de l’ONU– organe chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant – j’ai pu constater combien les droits des enfants sont bafoués dans de très nombreux contextes. C’est d’ailleurs ce qui a été mon “moteur“ pour agir sur le terrain, en particulier auprès d’enfants et adolescents en situation de rue et en milieu carcéral. Ce furent pour moi des années très intenses à travailler notamment en sein de programmes de Justice Juvénile Restaurative.

Ces années sur le terrain en tant que travailleuse humanitaire ont été d’une richesse inégalable et je ne serais pas qui je suis aujourd’hui sans ces expériences. Néanmoins, elles ont été aussi génératrice de désillusions et de frustrations, pour différentes raisons. L’une d’elle est le constat répétitif de combien l’être humain piétine avec une facilité terrifiante ce qui est consacré en droit.

En réalité, il apparait particulièrement difficile d’en finir avec les différentes formes d’oppressions, qui limitent au quotidien notre bien-être ainsi que notre liberté, et ce, dans tous les contextes.

Résister aux multiples formes d’oppression ?

Je me suis formée à l’approche théâtre de l’opprimé il y a maintenant 8 ans en Colombie. Si cette approche résonne tellement fort et de façon aussi juste en moi c’est certainement parce qu’elle vise à transformer les entraves à nos libertés et à nos droits fondamentaux. Découvrez en quoi consiste le théâtre de l’opprimé par ici.

En lien avec cela, un  droit me semble particulièrement intéressant « la résistance à l’oppression ».

Selon l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance l’oppression ».

« Un citoyen a le droit de refuser obéissance à un ordre arbitraire […]. Le droit de résister à l’oppression dont il est parlé à l’article 2 de la Déclaration de 1789 ne doit pas être confondu avec la résistance à la loi. Il y a oppression quand le droit est violé par des mesures arbitraires ou illégales. Dans ce cas la résistance est mieux qu’un droit, elle est un devoir ».

On pourrait largement se demander où en est-on par rapport à cette disposition en France, tant l’oppression est devenue parfois sourde, invisible et bien souvent présentée comme “bienfaitrice“. Mais c’est toute une réflexion à ouvrir!

En tous cas, c’est à partir d’une volonté et même d’une nécessité de “résister à l’oppression“ qu’est né le théâtre de l’opprimé, conçu par Augusto Boal, révolutionnaire brésilien, à l’époque la dictature. Boal permettait la rencontre entre citoyens pour penser ensemble, dialoguer, réfléchir et transformer les injustices. Comme un moyen impérieux de résister aux oppressions et de les transformer par l’action. Une fois exilé en Europe, Boal a réalisé que les oppressions étaient toujours présentes, sous d’autres formes. Il parlait notamment des “flics dans la tête“ pour désigner ces oppressions que nous avons tellement bien intégrées qu’elles se sont désormais transformer en saboteurs internes puissamment ancrés.

Et ces saboteurs ou flics internes font que parfois nous ne sommes plus en capacités d’honorer et de faire respecter nos besoins profonds.

Protéger et respecter nos besoins profonds

Avons-nous appris depuis enfant à identifier et honorer nos besoins profonds ?

Apprenons-nous à nos petites filles à sentir quand un “non“ est un non et quand un “oui“ est un oui. A sentir et préserver leurs besoins d’intégrité, de sécurité, de reconnaissance ?

Avons-nous transmis à nos petits garçons comment reconnaître quelles émotions les traversent et comment les accueillir sans les refouler? A comment trouver du sens dans leur vie sans entrer dans une logique de compétition ?

Avons-nous appris à exprimer de quoi nous avons besoin dans les sphères amicale, familiale, amoureuse ?

Aujourd’hui, en tant que médiatrice, j’observe combien le non-respect de besoins profonds de chaque individu engendre de la souffrance.

Mon focus principal se situe désormais autour des besoins. Chaque personne a le droit de voir ses besoins satisfaits. Le cœur de ce qui m’importe reste le même. C’est le respect de nos droits qui nous permet de répondre à nos besoins profonds.

« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » selon la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Cet article renvoie au besoin de sécurité et au besoin d’action qui sont des besoins identitaires primordiaux. Découvrez par ici ce que j’entends par “besoins identitaires“.

Si mon métier de médiatrice fait autant sens pour moi c’est parce que le processus de médiation permet justement la satisfaction des besoins profonds des personnes. Nos besoins peuvent être malmenés par des facteurs externes : des enjeux de pouvoir, des dynamiques sociétales et structurelles…etc. Et également par des éléments internes : manque d’auto-empathie, non-respect de ses propres limites…etc. et interpersonnels : abus de pouvoir, harcèlement, conflits…

Transformer les oppressions pour honorer nos besoins profonds

Comment faire alors pour transformer ces différents facteurs qui entravent nos droits et impactent nos besoins ?

Comment reprendre du pouvoir d’agir pour cesser de subir et (re)devenir acteurs de nos vies ?

Pas de recette miracle hélas, c’est un chemin d’observation et d’exploration pour enclencher une transformation (personnelle et collective). Et de très nombreuses options sont à disposition pour l’entreprendre.

Pour ma part, je me sens dans la gratitude d’avoir découvert des techniques puissantes pour faire éclore ou réactiver le pouvoir d’agir. Approches et outils que je suis allée chercher dans différents pays, auprès de personnes ayant marqué ma vie.

Les cercles de paroles que j’accompagne sont une magnifique opportunité pour nourrir mutuellement nos réflexions et prises de conscience. Cela nourrit aussi profondément notre besoin d’appartenance et de sens.

Les formations que je délivre permettent à des personnes d’acquérir des techniques autour de la communication et de la gestion des conflits pour ensuite pouvoir se gérer en autonomie. Cela nourrit le besoin d’action et le besoin d’évolution.

Les médiations que je facilite permettent aux personnes de retrouver ce mouvement d’empathie envers soi et envers l’autre et donc de pacifier ce qui est douloureux en interne. On se situe ici au cœur de ce qui constitue notre humanité.

Les ateliers en théâtre forum que j’ai la joie de proposer permettent aux personnes d’identifier des sources d’oppressions pour tenter ensuite de trouver des pistes de solutions pour sortir de ces dynamiques.

Et finalement le cœur de toutes ces approches rejoint mon moteur premier lorsque j’ai décidé d’étudier les sciences politiques et les droits humains : trouver en interne des leviers d’action et des moyens de transformation pour retrouver du pouvoir d’agir !

J’aimerais terminer cet article par une citation de Boal qui résonne beaucoup en moi :

« Le théâtre de l’opprimé favorise le rétablissement du dialogue entre les êtres humains, car nous savons que toutes les relations sociales – entre pays, classes, ethnies, genre, etc. – se schématisent très souvent en monologues où l’un des tenants de la relation commande, parle, impose, tandis que l’autre est réduit au silence. ». Augusto Boal.

D’ailleurs, j’ai conçu plusieurs représentations en théâtre forum – une des techniques spectaculaires du théâtre de l’opprimé – que vous pouvez retrouver sur notre page Facebook de l’Association MAR que j’ai co-fondée.

Ensemble, osons briser les dynamiques d’oppression!

Laure Faget

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