Attaqués à différentes reprises, nous avons appris à réagir !

Enfant, je me suis fait piquer par un frelon. La douleur fut vive, soudaine, injuste. Je sortais de la piscine et mes parents m’avaient dit de ne pas bouger, ce que je réussis à faire. Mais le frelon posé sur mon bras fit fi de la consigne et me piqua.

Depuis, lorsque je vois un frelon, une seule réaction me vient : courir !

Cette courte scène illustre à travers un résumé aussi rapide qu’une piqûre de frelon le propos que j’ai développé dans mon article précédent : https://www.lf-mediation.com/2023/11/28/repondre-sans-reagir-pourquoi-le-mode-reactionnel-predomine/. Certaines situations activent un reflet en nous (une émotion passée) et cela entraîne alors une projection (une attitude en réponse).

Une grande partie de notre vie se réalise au contact des autres. Être au contact d’autrui est une magnifique (et terrible) opportunité d’être « activé(e) » à de multiples reprises. Chaque personne étant un cocktail d’émotions et de mémoires non intégrées, la rencontre entre humains ressemble à un bal de mémoires non intégrées.

Alors comment faire quand les paroles de l’autre nous heurtent, nous piquent et nous font réagir sans même le choisir ?

Comment cesser d’activer nos boucliers ?

Au cours des entretiens de pré-médiations que je facilite (les entretiens individuelles en amont d’une médiation), j’entends très fréquemment les phrases suivantes :

« Je sais, je ne devrais pas réagir ainsi ! »

« Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais son commentaire m’a fait péter un plomb ! »

« Cette personne/situation active quelque chose en moi »

« Lorsqu’il/elle m’a dit cela, je n’ai pas pu ne pas réagir !

Pour bien comprendre ce qu’est une « réaction émotionnelle » et la distinguer d’une « réponse », je vous partage ce passage d’un ouvrage de Michael Brown “Le processus de la présence” que je trouve très éclairant :

“Une réaction est un comportement inconscient dont l’énergie est dirigée vers le monde extérieur dans l’intention de nous défendre ou d’attaquer l’autre.

C’est un drame que nous jouons pour tenter d’anesthésier et de contrôler l’émergence de la cause d’une expérience désagréable. La trame de tout comportement réactif est le blâme et la vengeance. Nous réagissons à une situation en croyant percevoir que celle-ci nous arrive.

Une réponse est le résultat du choix conscient de contenir et d’intérioriser de manière constructive l’énergie émanant de la remontée à la surface d’une charge émotionnelle enfouie, afin de l’intégrer.

La trame du comportement responsif est la responsabilité. Nous répondons à une situation contrariante en ressentant inconditionnellement l’état émotionnel inconfortable intérieur qui sous-tend la mise en situation, sans projeter notre inconfort sur les autres ou sur l’extérieur.”

Extrait du livre “le Processus de la présence”, Michael Brown, Editions Ariane Publications, 2012.

Répondre sans réagir ne veut donc pas dire se couper de ses ressentis ou les nier. Mais plutôt accueillir pleinement nos activations émotionnelles pour les vivre et les digérer au lieu de blâmer l’autre, voire même de le piquer en retour.

Travailler sur soi-même pour déminer les zones sensibles

Lors d’un soin, mon acuponcteur m’a partagé ces propos et cela m’a bien parlé. Chinois d’origine, il a souffert pendant longtemps de remarques racistes. Après un long travail sur lui-même, il a réussi à penser et à panser ses blessures qui s’activaient lorsqu’un commentaire raciste fusait en sa direction. Il me confia alors en ces termes : « Les blagues racistes n’ont pas changé mais lorsqu’elles atterrissent en moi, il n’y a plus la matière pour nourrir ces remarques et les transformer en blessures…cela me glisse dessus comme la pluie sur un imperméable ».

Travailler sur soi pour désactiver ce qui fait mal permet de réagir moins fort, voire même de ne plus réagir. Comme une désensibilisation face à certaines allergies. Même le corps – habitué à réagir fortement à telle ou telle substance – peut changer et ne plus réagir. Alors imaginez tout ce que peut faire notre esprit ?

Bref, je sais ce qui me reste à faire avec mes amis les frelons…

Considérer le message sans incriminer le messager

Certaines situations/personnes activent en nous des charges émotionnelles non intégrées et alors nous réagissons. Nous prenons alors en première cible le déclencheur direct que nous percevons c’est-à-dire la personne ou situation qui se trouve à l’origine de la réaction. Et bien souvent, nous le prenons personnellement et attaquons en retour la personne qui va elle-aussi le prendre personnellement.

Aurions-nous l’idée de blâmer le facteur pour les factures et autres mauvaises nouvelles qu’il dépose dans notre boîte ? Ou encore allons nous blâmer ou haïr un miroir parce que l’image qu’il nous renvoie nous déplaît ? Cela ne nous viendrait pas à l’idée. En revanche, la personne qui active en nous un reflet est un messager contre lequel nous allons généralement riposter.

Comment accueillir et considérer le message envoyé par le messager sans « prendre la mouche » ?

Accueillir nos ressentis

Les trois étapes suivantes peuvent grandement aider à accueillir ce qui nous traverse :

1/ Détacher le message du messager et détourner notre attention du messager (personne ou situation ayant déclenché la contrariété)

2/ Mettre de côté l’histoire que nous nous racontons à propos de la situation et qui nous pousse à réagir. Autrement dit, mettre de la distance avec l’histoire que notre cerveau va immédiatement tenter de nous vendre

3/ Placer toute notre attention sur le ressenti qui est né de cette contrariété.

Une question peut nous aider à mieux accueillir ce ressenti :

« Qu’est-ce que je ressens, sur le plan émotionnel, à propos de cette situation/personne ? »

Une deuxième question pourrait être : « Quand ai-je ressenti la même résonance auparavant ? »

Car en réalité les situations et personnes « dérangeantes » que nous rencontrons représentent des occasions pour percevoir, reconnaître et intégrer nos charges émotionnelles non digérées.

Répondre, au lieu de réagir

Lorsque nous prenons conscience que l’autre est simplement le reflet d’une blessure ou charge venant du passé, nous gagnons en maturité.

Car au lieu de réagir, nous pouvons alors choisir de répondre.

Prendre une grande respiration et faire un pas de côté pour ne pas « coller » ou s’identifier à la situation contrariante. C’est l’idée de ne pas jeter de l’huile sur le feu.

Dans bien des cas, cela est très difficile car l’activation interne est forte et douloureuse. S’il nous est difficile de faire ce processus d’accueil des ressentis au moment de l’incident, nous pouvons éventuellement le mettre de côté et différer notre réponse.

J’invite souvent les personnes que j’accompagne – notamment les couples – à formuler ce besoin de différer pour pouvoir répondre à la situation dans un deuxième temps. On peut exprimer par exemple à l’autre : « Je suis touché(e)/ému(e)/activé(e) par ce que je viens d’entendre/de voir, j’ai besoin d’un temps pour laisser déposer. Je reviendrai ensuite vers toi pour qu’on en parle tranquillement ». Une difficulté se présente lorsque les deux personnes vivent ce trop plein émotionnel au même moment et qu’aucune ne parvient à proposer ce « temps de sauvegarde relationnelle ».

Une chose est sûre : comme toute pratique, plus on s’entraîne, plus on devient familier avec la mise en application.

Commençons donc par respirer et autorisons-nous à accueillir ce qui nous traverse et nous agite en interne, sans chercher à blâmer les autres.

Lors des médiations que je facilite, j’observe souvent un bal de mémoires et de charges émotionnelles non intégrées et alors je me dois d’appliquer et d’incarner ce même principe qui est de répondre sans réagir. Je vous en parlerai dans mon prochain article.

Laure Faget

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *