Nos vies se composent de nombreuses actions et d’un nombre incalculable de « réactions ». Dernièrement, la lecture d’un passage de l’ouvrage « Le processus de la présence » m’a beaucoup éclairée sur ce mode réactionnel et cela a donné matière à réflexion, que je vous partage ici. Cet article traitera de ces multiples réactions que nous avons toutes et tous et le prochain sur l’importance de « répondre » sans réagir.

Sommes-nous devenus addicts à la réaction ?

Réagir fait partie des comportements les plus courants et universels. Les informations circulent à une telle vitesse, nous sommes assaillis par des sollicitations multiples (visuelles, sonores, kinesthésiques). Nous sommes très souvent amenés à « agir en réponse à » autrement dit à réagir.

Ce mode réactionnel est même plutôt valorisé et encouragé « il te faut réagir » ; « tu as bien fait de réagir » ; « réagir après coup ». Dans les médias, nous sommes mitraillés de réactions diverses. Les « punchlines » (réponses choques) fusent. Nous sommes « abreuvés » de clashs sur les plateaux TV, de disputes à base d’argumentations et de contre-argumentations. Les uns réagissent publiquement suite à l’agissement de quelqu’un ou de quelques-uns et il semblerait que cela fonctionne plutôt bien, le « public » raffolant de ces réactions qui fusent de toutes parts. Nous avons donc développé une forme d’addiction à ce mode réactionnel. Rapide, spontanée, parfois spectaculaire, une réaction s’acoquine d’émotions diverses (la colère ; le dégoût ; la honte ; la tristesse…etc). Les cocktails d’émotions faisant fureur, nous nous enivrons désormais de réactions, encore et encore.

Les réactions au cœur des dynamiques conflictuelles

Joël est responsable d’entrepôt. Dès que son directeur Manuel entre dans son entrepôt, son corps tressaillit et il peine à rester en place. C’est SON territoire et il n’a pas à le fliquer ainsi. Il dit « bonjour » et ce bonjour sort telle une grenade dégoupillée.

Christine est travailleuse sociale. Elle ne comprend pas pourquoi mais l’histoire de ce jeune homme qu’elle accompagne la fait grandement réagir. Elle n’arrive même pas à l’écouter jusqu’au bout. Sa tête est ailleurs, tout son être est en protection.

Marius et Pauline sont en couple depuis maintenant 15 ans. Lorsque Marius évoque le début de leur relation et peine à dater leur rencontre, le cœur de Pauline semble bondir hors de poitrine. Tout son corps se tend comme un arc, prêt à l’assaut.

Les réactions et surréactions font partie intégrante de nos rapports interpersonnels. Un seul mot, un simple geste peut activer une montagne. En un quart de seconde. En un clic parfois.

Lorsque je facilite une médiation, j’observe très souvent qu’une phrase lancée par l’une des parties provoque instantanément une réaction biologique chez l’autre. Cela modifie alors directement la physionomie de la personne (l’expression de son visage, sa posture…), et ensuite les mots sortent…

Les personnes arrivent en médiation chargées à bloc d’émotions diverses. Elles les ont souvent contenues depuis un bon moment et la médiation est l’espace permis pour se « lâcher ». Dans un espace suffisamment encadré et sécurisé pour le faire (ce point sera traité dans mon prochain article).

Pourquoi les mots et comportements d’autrui nous font ainsi réagir ? Comment désactiver en interne ce mode réactionnel ?

Identifier nos reflets et nos projections

Dans une relation interpersonnelle, une simple phrase ou attitude peut activer un reflet et de ce fait des projections.

Comme l’explique Michael Brown dans son ouvrage « Le processus de la présence » :

« Un reflet est une expérience qui ramène une mémoire à la surface »

« Une projection est le comportement que nous adoptons lorsque nous réagissions à cette mémoire qui ressurgit. »

Par exemple, si nous revenons à la situation de l’entrepôt citée précédemment, Joel ne supporte pas d’avoir Manuel sur le dos. Si dans sa façon d’interagir, Manuel rappelle à Joël un de ses parents, cela provoque un reflet chez Joël. Il adopte alors à son égard une attitude telle qu’il le ferait avec le parent en question, la personne qui est « reflétée ». C’est une projection.

Lorsque nous sommes agacés, blessés, ou vexés par une personne ou une situation, c’est un indicateur de l’activation d’un reflet. C’est comme si les fantômes du passé ressurgissent (reflets) et nous les suivons (projections).

Ainsi dans le deuxième exemple cité, où Christine, travailleuse sociale, n’arrive plus à écouter le jeune qu’elle accompagne, quelque chose chez lui a « activé » une réaction en elle. Cela a alors plongé Christine dans un état émotionnel et physique particulier, provoquant une projection, autrement dit un comportement spécifique en réponse (le décrochage, en l’occurrence).

Etant donné qu’il n’est pas évident de repérer et de conscientiser ces réminiscences de notre passé, notre « focus » va se mettre sur la personne ou situation, « déclencheuse » ou « activatrice ». Et alors des émotions puissantes se dirigent contre cet élément déclencheur (se mettre à détester la personne en question, par exemple). Alors que ces personnes et situations sont comme des « messagers » d’empreintes émotionnelles du passé, essentielles pour mieux se connaître et se comprendre.

Partant de là, on peut se poser la question suivante : Comment passer d’un mode réactif à une attitude responsive ? Je partagerai quelques pistes de réflexion dans mon prochain article.

Merci pour votre lecture et à très bientôt!

Laure Faget

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