Formation conçu par mes soins, délivrée dans le cadre d’un parcours élaboré par l’IRTS de Franche-Comté choisi par l’OPCO SANTÉ

Dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, les travailleurs sociaux sont encouragés à développer les démarches « d’aller vers » les personnes en souffrance. Ce qui constitue le cœur même du travail social à l’origine.

Les travailleurs sociaux ne se sont pas engagés sur cette voie pour recevoir des personnes entre quatre murs. Souvent passionnés par le terrain, ce sont des professionnels qui aiment le contact direct avec le public, là où il se trouve.

L’aller vers constitue une « action, un déplacement qui conduit à se mettre en lien sans s’imposer. Il faut pouvoir se mettre à la portée de la personne en l’écoutant » précise Didier Dubasque, Assistant de service social et ancien président de l’Association nationale des assistants de service social (ANAS).

J’aimerais vous partager dans cet article quelques-unes de mes observations sur ce vaste sujet. Notamment à partir d’une formation donnée récemment auprès de travailleurs sociaux, ce qui a permis d’alimenter ma réflexion.

L’aller vers, c’est quoi ?

Restitution suite à un travail de réflexion en sous-groupes entre travailleurs sociaux

“Aller vers renvoie au cœur de métier du travail social. Et pourtant, en dehors de la prévention spécialisée ou des maraudes, nous ne sommes plus habitués à ce positionnement. En cause, l’enfermement dans des logiques institutionnelles et bureaucratiques” estime Cyprien Avenel, sociologue.

Nous sommes-nous éloignés de cette démarche d’aller vers ? Si oui, quelles en sont les raisons ?

De mon côté, « aller vers » me renvoie directement à ma première mission humanitaire auprès d’une association œuvrant pour les enfants et adolescents « en situation de rue », au Pérou. Nous passions le plus clair de notre temps entre la rue, les foyers des enfants et des centres de réinsertion. « Aller vers » était au cœur de toutes nos démarches. Ce public en question ne laisse pas beaucoup d’autres alternatives. Souvent très frileux des institutions et en difficultés avec les normes sociales (respecter des horaires d’un centre d’accueil par exemple), il n’y a pas d’autre choix que d’aller à leur rencontre.

Le problème se situe dès lors que nous avons le choix. S’enfermer dans des bureaux, posés sur des fauteuils moelleux et attendre que les usages viennent à nous est parfois plus confortable. L’aller vers se limite alors au déplacement entre son siège molletonné et la machine à café. Bien des raisons expliquent cet éloignement du terrain pour le travailleur social.

Lors de cette session de formation, les participants ont mentionné : la pression pour faire vite ; la lourdeur des procédures pour rendre des comptes qui finissent par primer sur le travail de terrain ; le manque de coordination entre acteurs ; le manque de moyens ; les résistances des usagers à se laisser approcher ; les difficultés pour sortir de l’assistancialisme et entrer véritablement dans le « faire avec ». La tâche est difficile et bien que volontaires et disposés, les acteurs de terrain peuvent finir par se décourager. Néanmoins, cela constitue le cœur de leur métier et c’est bien souvent cette recherche de proximité ainsi que ce goût pour le terrain qui leur ont donné envie de se lancer dans l’action sociale.

Pourquoi l’aller vers est-il fondamental ?

Certains publics ne sont pas/plus en capacité ou n’ont pas l’élan nécessaire pour solliciter une aide. Aller chercher de l’aide implique tout d’abord d’identifier et de reconnaître ses propres besoins. Et également de se donner de l’importance pour accepter l’idée qu’on « mérite » l’aide en question. Aussi, d’un point de vue plus pragmatique, cela implique aussi de pouvoir se déplacer et de savoir se repérer dans l’espace et dans le temps. Et également de ne pas être trop affecté(e) par la prise de substances ou d’éventuelles troubles de la personnalité…etc. Autant d’éléments qui empêchent l’accès à une aide et qui placent parfois les personnes dans une situation d’isolement. Et dans une grande précarité, bien évidemment.

Aller vers c’est se donner les moyens d’agir de façon préventive en rencontrant ces personnes. Ne pas attendre que la situation de vulnérabilité et de détresse ne s’installe. Attendre d’arriver à un point de non-retour nous impose de travailler dans une situation de crise. Ce qui complexifie encore davantage le processus d’accompagnement.

Qu’est-ce qui nous pousse et nous freine pour “aller vers” ?

Lors de cette session de formation auprès de travailleurs sociaux sur ces techniques de l’aller vers, nous avons réalisé plusieurs ateliers. J’ai notamment facilité une réflexion autour de « Qu’est-ce qui me pousse à aller vers en tant que travailleur social et quels sont les freins et difficultés qui entravent ce mouvement ? Si l’aller vers part effectivement d’un mouvement, il est intéressant de décrypter ce qui se cache derrière. « Aller vers » l’autre implique un élan, un rapprochement, dans des conditions parfois difficiles voire décourageantes. Une des éducatrices évoque cet usager au comportement étrange lors de visites à domicile. En effet, il les reçoit elle et sa collègue en étant perché à sa fenêtre. Elles ne sont pas invitées à monter chez lui et il ne vient pas non plus les voir. Un dialogue est péniblement mené avec la fenêtre que l’usager ouvre et ferme plusieurs fois, comme si cela constituait une sorte de « TOC ».

Aller vers c’est donc se confronter à des murs et des fenêtres semi-ouvertes. Comme le dit si bien Jean Oury « Qui est-il cet étrange étranger qui s’échappe plus je l’approche ? Être au plus proche, ce n’est pas toucher, la plus grande proximité, c’est d’assumer le lointain de l’autre » Jean Oury – psychiatre et psychanalyste français

De même, un coordinateur évoque en session le cas d’une personne sous substances qui se trouve à la rue et qui ne reconnaît pas le fait qu’il consomme. Aller vers lui consiste donc à supporter ses nombreux commentaires parfois virulents, sa non-disposition à reconnaître sa situation. Persévérance et patience sont donc de mise pour entrer véritablement dans cette démarche de l’aller vers.

Malgré toutes ces difficultés, ces professionnels déploient des efforts importants pour créer ou maintenir le lien. Ce qui les anime est à la fois cette recherche de contact, cette disposition à écouter l’autre pour pouvoir l’accompagner, cette envie d’accompagner le changement, cette volonté de rompre les logiques d’isolement. Une personne en salle évoque le besoin de « réhumaniser » ces personnes en marge et bien souvent laissé-pour-compte.

Comment aller vers ?

Maraudes, équipes mobiles, interventions à domicile, pair-aidance, référents de parcours, médiation sociale…les pratiques de l’aller vers sont nombreuses.

Toutefois, si « aller vers » nous fait songer à un mouvement naturel, en réalité, les circonstances rendent cette démarche parfois très délicate, coûteuse et potentiellement énergivore. L’idée est donc d’avoir à disposition un panel d’outils et de méthodes permettant de réaliser cette approche de façon efficace. Et également de pouvoir tenir sur la durée.

En formation, j’aborde à la fois des outils qui touchent à la médiation sociale et la communication, l’écoute étant au cœur de la démarche d’aller vers. Je présente aussi des techniques qui favorisent le développement du pouvoir d’agir, notamment grâce à l’approche théâtre-forum. Nous tentons ensemble de nous inspirer d’approches telles que les cliniques de concertations, développées par le Docteur Jean Marie Lemaire. Ce sont des espaces qui permettent de réunir les usagers, les personnes importantes de leur entourage et des professionnels pour mener un véritable échange. Ici, il n’est plus question de “faire à la place” mais bien de “faire avec” la personne qui est placée au cœur de la réflexion et de l’action.

En formation, nous évoquons également les besoins profonds des personnes afin de pouvoir les identifier et tenter d’y répondre au mieux. Et surtout nous expérimentons différentes approches et techniques à partir de situations du terrain apportées par les participants. En effet, le format de ces sessions est « expérientiel », autrement dit nous sommes dans une sorte de laboratoire d’expériences. Je les invite à essayer des choses à travers des mises en situation pour appliquer les outils précédemment étudiés. Il n’y a pas une façon « d’aller vers » mais plutôt de multiples possibilités et l’expérience permet d’affiner ses stratégies tout développant la connaissance de soi-même et d’autrui.

Les participants de cette session de formation sont ressortis avec un regain de motivation et de sens pour poursuivre leur travail d’accompagnement. Et également des pistes de réflexion, techniques et outils concrets afin de mener cette démarche de façon à générer des changements significatifs pour les usagers.

Vous souhaitez échanger autour de cette démarche et voir éventuellement les possibilités de bénéficier de cette formation ? Contactez-moi !

2 réponses

  1. J’ai participé à cette formation. Elle a été très ” revigorante”, pas un seul moment d’ennui ! .Plusieurs outils et expériences pratiques à emporter avec soi et à développer si on le souhaite . Beaucoup d’échanges dans le groupe sur nos pratiques mais sans plaintes inutiles et mortifères. La formation est axée sur le “coeur de notre métier” qui est de ” l’Aller vers”, aller vers l’autre, celui qui est différent, parfois hostile, réfractaire à la relation, à la rencontre. Une démarche en apparence simple mais finalement très complexe. qui peut parfois nous mettre à mal.
    Laure, dynamique et avenante, sait nous mettre à l’aise et nous entraîner dans des mises en pratique qui nous apprend bien plus qu’un long discours. Merci Laure!

    1. Un immense merci pour ce commentaire, ton retour me va droit au cœur! J’ai beaucoup apprécié ces deux jours d’échanges et de partages en votre compagnie! Au plaisir d’échanger, bien à toi

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