Enfant, j’ai espéré qu’un jour les instituteurs puis les professeurs cessent de nous infantiliser, en instaurant une relation verticale et en nous faisant ingurgiter des tonnes d’informations, nous clouant pour ce faire sur une chaise pendant des heures. Puis, je suis arrivée à la fac et j’ai subi des dictées de droit (même la ponctuation était précisée !) et de sciences politiques pendant des années. N’ayant pas de difficultés au niveau scolaire, je pense qu’aucun professeur n’a pu mesurer à quel point je me suis ennuyée malgré tout! Je me rappelle d’un instituteur et d’un professeur – tous deux formidables – m’ayant profondément marquée car ils étaient différents. Ils étaient passionnants à écouter mais savaient écouter également. En outre, ils nous faisaient confiance, ils nous permettaient d’expérimenter, de se tromper également et ils ont réussi à me transmettre bien des choses.
Désormais formatrice, je me questionne sur ce mouvement délicat mais au combien riche qu’est celui de transmettre et de recevoir.
Quelle entrée en matière en formation?
Et si on cassait les codes? Surtout quand ceux-ci sont ennuyants! J’ai très souvent une image peu agréable mais étrangement familière quand j’entre en salle de formation.
En effet, souvent, je retrouve un public (que se soit des chefs d’établissement, éducateurs, humanitaires ou autres) assis derrière des tables dans une attitude assez particulière. Assis le plus loin possible du tableau, tout leur non verbal indique d’emblée une certaine non-envie d’être là, en « classe ». Je me revois alors en cours, profondément ennuyée tout le long de ma scolarité (sauf au Canada, vives les Canadiens!)! J’ai en effet subi ce flot de connaissances parfois très indigeste à avaler face à ces professeurs très souvent inatteignables, l’air au moins tout aussi heureux (!) que nous d’être en cours.
Quelle évolution au niveau pédagogie et andragogie depuis les années 50 ? Certes, les coups de règle sur les doigts en moins, mais pour le reste?
Poser la confiance, impliquer les participants
D’élève ennuyée et décalée, je suis passée formatrice « atypique » selon les différents organismes qui m’embauchent. Si la norme c’est un professeur ou formateur ‘’sachant’’ et peu accessible et des élèves passifs et peu engagés, alors oui je crois que mes formations ne sont pas très classiques.
D’entrée de jeu, je leur propose déjà d’agencer différemment la salle et de garder seulement un cercle de chaises. Tables, carnets, ordinateurs, ainsi que tout autre objet sont laissés de côté. Je note souvent un petit moment de flottement, l’inhabituel provoquant de la surprise. Je propose ensuite quelques dynamiques pour poser une ambiance positive. Cette ouverture face au groupe qui pourrait s’apparenter à une certaine « mise à nue » est potentiellement impressionnante. L’idée n’étant absolument pas de mettre qui que se soit dans l’embarras mais au contraire de les impliquer et que chacun se sente accueilli, intégré. Je pense qu’en effet, il n’y a pas d’apprentissages sans confiance et partage. Cette première phase qui sert à établir la confiance peut sembler vaine, mais elle est, à mes yeux, primordiale. D’ailleurs, je suis toujours fascinée de voir ce qui se met en place rapidement au sein du groupe.
Expérimenter, innover, oser !
La théorie sans une expérimentation ne valant à mon sens pas grand-chose, je me questionne sans relâche sur la façon de transmettre. Je réfléchis à comment amener tel ou tel outil, comment susciter l’intérêt, de quelle façon marquer la mémoire. Et alors nous jouons, nous expérimentons, nous partageons, nous tâtonnons! Travail d’introspection, présentation avec support visuel, exercice en binômes, mises en situations en groupe, réflexions et partages en plénière..etc. Je propose un éventail de méthodes afin d’accrocher tous les types d’apprenants et de varier les plaisirs !
Il y a peu, à la fin d’une formation, plusieurs participants se sont dit agréablement surpris et très emballés. Ils ont constaté qu’ils n’avaient pas eu envie d’être sur leur téléphone et qu’ils s’étaient – extraordinairement – déconnectés. Ils ont pu assimiler les concepts et outils proposés facilement grâce à ce mélange théorie/ expérimentations, tout en ayant pris du plaisir. Entre les séances, ils ont noté avoir pu rapidement mettre en pratique les outils proposés dans leur quotidien. L’un m’a même dit : « contrairement à Madame X qui nous prenait de haut et nous a matraqué de savoirs, avec vous c’était une toute autre histoire, c’est vraiment deux salles, deux ambiances » !
Alors quelles méthodes et quelle ambiance pour quels résultats en salle de classe ?
L’impact du mode expérientiel n’étant plus à démontrer, puisque l’on sait qu’on retient 10% de ce qu’on lit, 20% de ce que l’on entend, contre 90 % quand on expérimente quelque chose, pourquoi ne pas se laisser à l’expérimentation ?
Dans un prochain article, je vous partagerai cinq principes pour parvenir à une pédagogie expérientielle, principes et méthodes pratiqués et appris au Canada.