J’installe ma salle. Trois chaises en triangle. De l’espace entre pour que cela circule. Je prends quelques minutes assise, seule, pour me centrer et me concentrer. Mon mental se calme peu à peu grâce à une respiration consciente et profonde. Je fais de l’espace dans mon disque dur interne pour accueillir ce qui arrive. Les deux personnes en conflit arrivent et prennent place. Le processus de médiation peut alors commencer.
J’aime questionner le sens des choses, la place des choses et des êtres. J’ai mis du temps à trouver la mienne et c’est probablement encore en cours de cheminement. En quoi puis-je me rendre utile ? Quels sont mes talents et/ou compétences ? Qu’est-ce qui m’anime ? Ces questions guident mon chemin. J’ai trouvé en devenant médiateure un rôle qui me plaît et dont les effets semblent positifs. Je visualise parfois une sorte de passerelle lorsque je pense au processus de médiation. Et ce, pour plusieurs raisons.
Une fonction de pare-feu
J’ai cherché « passerelle » dans le dictionnaire et j’ai trouvé plusieurs définitions dont celle-ci : « La passerelle joue ainsi un rôle de pare-feu et participe à la sécurisation des échanges via des protocoles réseau différents ». En tant que médiateure, je peux dire que je suis une sorte de pare-feu.
Quand on observe deux personnes en conflit, on voit facilement le potentiel d’escalade du conflit. Animés par diverses volontés et différentes émotions, les individus en conflit sont capables de beaucoup. Certains me confient une « envie de destruction », une « volonté de nuire », une « violence qui ne demande qu’à sortir », une « spirale infernale dont il est désormais impossible de sortir ». Ces expressions témoignent d’une intensité certaine. Conduire une médiation, ce n’est pas mettre les parties en présence pour qu’elles puissent s’entre-déchirer. Un peu comme une sorte de combat de coqs version humaine. C’est impensable et ça l’est probablement car on mesure facilement les conséquences d’une telle rencontre. Cela serait probablement très nuisible.
En vérité, la tierce partie neutre intervient comme garante du processus. Cela sous-entend que la sécurité des personnes relève de sa responsabilité. Un pare feu étant un « dispositif destiné à empêcher la propagation du feu », on peut dire que le facilitateur l’est également. La médiation ne doit pas nuire aux personnes, elle ne vise pas à propager le feu et à mettre en péril les participants. Je parle bien évidemment du feu verbal, composé d’émotions et de sentiments mêlés. Et également des potentiels débordements physiques.
Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il faut bloquer toute émotion ou empêcher l’expression libre des émotions en présence. A l’inverse, préparer les participants à exprimer et également à accueillir cela est primordial. Je dis souvent en formation (lorsque je délivre une formation à la médiation), qu’il est impossible de ne pas laisser les parties vivre et déposer cette charge émotionnelle. En effet, elle représente la matière même du conflit, qui ne demande qu’à sortir. Encore faut-il laisser s’exprimer cette charge émotionnelle sans pour autant que cela « n’explose » à la tête de l’autre personne. La sécurité physique et émotionnelle des participants avant tout. Car sans cela, la confiance et la compréhension mutuelle sera difficile. En effet : « Comment faire un pas vers l’autre, si cet autre m’effraie ? ». Et c’est là qu’entre en jeu, la deuxième « fonction passerelle ».
Un intermédiaire pour recréer du lien
Toujours dans le dictionnaire, je lis cette autre définition de passerelle : « Pont étroit, permanent ou provisoire, permettant le passage des piétons au-dessus d’une brèche, d’un cours d’eau, d’une voie de communication ou entre deux bâtiments. ». Permettre le passage entre. Voila qui me semble caractériser parfaitement la fonction du médiateur. Lorsque le dialogue est rompu ou très largement entravé, je remarque souvent un problème de circulation. Selon notre sensibilité, on peut alors parler d’énergies qui ne circulent plus, ou encore de mots qui semblent bloqués dans les gorges de chacun. On peut aussi percevoir des blessures et des maux de part et d’autre qui font que désormais: « cela ne passe plus ».
Alors, la communication cesse ou devient rare, la collaboration s’estompe voire disparait, les activités ou moments qui servaient à réunir les personnes prennent fin…et peu à peu, on réalise « qu’il ne se passe plus rien ». J’observe donc que cette idée de passage est au cœur des dynamiques conflictuelles.
En tant que médiateure, j’aime à travers ce processus rétablir ou renforcer les liens entre les individus. Servir – tel qu’un pont le ferait – à rendre possible et fluide le passage des mots ainsi que la digestion des maux, entre les personnes. Néanmoins, je suis vigilante à ne pas prêter de ma personne pour effectuer directement ce passage. Je ne deviens pas moi-même cette passerelle. Car alors, je ferais le travail à leur place. Et cela serait également une charge trop importante. Je mets simplement au service de la relation mes compétences en communication ainsi que ma présence. La passerelle se dessine alors dans l’espace et entre les individus pour permettre cette restauration de la relation. Ce sont donc les personnes elle-même qui construisent leur passerelle, selon leurs aspirations, motivations et besoins.
Un moyen pour passer outre
La passerelle dans sa fonction, permet aussi d’enjamber des choses. De passer d’un espace à un autre, en passant au-dessus d’un cours d’eau par exemple. Deux idées me viennent alors en application au processus de médiation. La facilitation du dialogue, dans le cadre de la résolution de conflit, permet en effet de passer outre certaines choses. Souvent, lors d’un conflit, les individus se crient dessus, s’insultent, se disent des choses jugées par la suite impardonnables.
Par conséquent, sans passerelle, les personnes resteraient prises dans leurs blessures, leur rancœur. L’égo incite facilement à s’accrocher à sa position et alors il devient difficile de stopper ce flot de pensées et de sentiments douloureux. La personne finit par s’identifier à son conflit, elle devient alors conflit et de ce fait « l’adversaire » ne peut qu’être cette bête sombre et effroyable, construite et alimentée par l’égo. Symboliquement, prendre la passerelle signifie que la personne est prête à lâcher toute cette construction (ses pensées les plus belliqueuses, ses préjugés, ses stéréotypes, ses marquages) pour faire un pas vers l’univers de l’autre. A condition que l’autre soit également disposé à co-contruire cette passerelle.
Spectatrice de ce vivant qui se fait et se défait, de ces êtres qui se blessent et se pardonnent, j’aime découvrir et accompagner la co-construction de passerelles. Je ne suis pas une passerelle moi-même, cela serait bien trop prétentieux et pesant. Cependant, je mets à disposition quelques compétences et techniques. Et quelle merveille lorsque je vois se dessiner progressivement des passerelles entre les êtres.
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